Didier Guillion
a écrit le
09 mars 2011 à 22h06 Merci de vos réponses,
Ce que j'ai appris à la fac, c'est qu'une "pression de sélection", maladie (virus, bactérie), changement de milieu (canicule) entrainait une sélection des individus les plus aptes à survivre. Une homogénéisation du potentiel génétique serait donc une conséquence d'une perte en masse des individus du même code génétique.
Si les Killies sautent si bien, c'est peut être pour changer de trous d'eau et ainsi effectuer un "brassage" génétique qui leur a permis de survivre.
Sans tenter des "mariages" déraisonnables, peut être faudrait il favoriser des échanges mâles et femelles de ponctions différentes mais d'origines géographiques proches.
Cordialement
Ce que tu soulignes (diversité génétique = gage d'adaptabilité aux fluctuations des conditions écologiques = optimisation des chances de survie à l'échelle de la population) est effectivement une considération très importante lorsque l'on s'intéresse à la conservation d'une population ou d'un ensemble de [b]populations naturelles et sauvages[/b]. Dans le domaine de la conservation animale c'est par exemple tout le problème des populations fragmentées, des pertes de corridors écologiques, qui permettaient les flux génétiques et démographiques à l'intérieur de ces populations, et des tailles minimales de populations viables... Les actions dans ce domaine touchent donc le plus souvent en priorité aux problèmes de gestion des milieux naturels et aux interactions avec les diverses activités humaines locales.
Au sein du KCF, et donc au sein de ce forum, nous sommes en train de parler du maintien de souches d'élevage, essentiellement à des fins de loisir éducatif et, tout au plus, de sensibilisation du plus grand nombre aux problèmes de conservation de ces espèces et populations naturelles.
Nos activités d'élevage en elles mêmes n'ont donc en fait tout au plus qu'un très lointain rapport avec de véritables actions de conservations des populations sauvages, si ce n'est à travers l'acquisition d'une meilleure connaissance de quelques points de la biologie des différentes espèces et surtout d'une vulgarisation active de ces connaissances dans un but de plus large sensibilisation du public sur ce groupe de poissons, avec même l'espoir (je suis d’un tempérament optimiste) d'aller jusqu'à peut-être atteindre quelques pouvoirs publics ou autres groupes d'influence dans les pays hébergeant ces espèces...
Les killiphiles ne font donc que maintenir des souches dans des conditions tout ce qu'il y a de plus artificielles et surtout, qui plus est, quasi constantes au cours du temps. De plus, presque toutes ces souches proviennent au départ d'un effectif d'individus sauvages extrêmement restreint (quelque souches d'élevage ont même ainsi été fondées à partir d'un seul couple sauvage au départ !). Dans ces conditions, une dérive génétique (= perte d'allèles) est donc de toute façon complètement inévitable, et cela même s'il n'y avait aucune sélection volontaire. Pour éviter totalement une telle dérive génétique, il faudrait organiser, planifier, un véritable flux génétique, basé sur des échanges périodiques de quelques reproducteurs issus de lignées différentes, constituées bien sûr au départ à partir d'individus d'une même population naturelle, mais conservés au cours du temps sous forme de différentes, et relativement nombreuses, lignées isolées. Inutile de dire qu'une organisation rigoureuse relèverait de l’utopie au sein d’organisations d’amateurs, telles que les associations killiphiles.
Ainsi, les quelques personnes qui évoquent parfois l'idée de réintroductions éventuelles dans la nature de poissons issus de nos élevages sont donc en fait vraiment très loin des réalités possibles. Le problème des réintroductions d'espèces est en effet bien plus complexe que beaucoup l'imaginent. Et d'ailleurs, extrêmement peu de ces tentatives de réintroductions de populations menacées aboutissent à un succès durable. Lorsqu'une population sauvage disparaît, c'est au bout d'un processus démographique généralement long , après qu'elle ait eu à faire face à des modifications insurmontables dans ses conditions de vie et/ou de reproduction, dans ses facteurs de mortalité, etc. Et pour lever de telles conditions écologiques limitantes, il ne suffit bien sûr pas de se contenter de réintroduire un petit nombre d'individus (même extrêmement riches sur le plan génétique) en un lieu paraissant à nos yeux adéquat parce que d'aspect encore proche de l'habitat originel de l'espèce.
Et de plus, pour revenir plus près de la conversation de départ, comme nous l’a très bien expliqué JF34 lors de sa conférence, et comme vient de le rappeler Exteval, ces inévitables pertes d’allèles dans nos petits élevages n’ont pas que des côtés négatifs : elles conduisent en effet à la disparition en priorité des gênes les plus rares, parmi lesquels on trouve souvent des gènes codant pour des caractères plus ou moins délétères (sensibilité à un pathogène par exemple) et c’est d’ailleurs bien pour cela que de tels gènes restent rares dans les populations naturelles. Bon, il arrive bien aussi parfois que l’on perde hélas par ci par là un petit caractère phénotypique que l’on aurait bien sur pas voulu voir disparaître, un petit liseré sur telle anale ou une plage de couleur sur telle dorsale… Beaucoup d'entre nous ont parfois croisé cela (je maintiens par exemple toujours pour l’instant une souche de [i]Fundulopanchax mirabilis intermittens[/i] qui, au moins chez moi, constitue un bel exemple d’une telle dérive phénotypique regrettable), c’est ainsi hélas un revers presque inévitable de nos trop petits élevages. Mais presque seulement, car on connaît aussi de nombreux exemples (heureusement) de souches qui, bien que maintenues dans nos bacs depuis longtemps (et même depuis fort longtemps pour certaines) – et ce donc en très forte consanguinité sur de nombreuses générations – d’une part n’ont pas changé le moins du monde d’aspect et d’autre part sont toujours aussi résistantes à nos conditions d’élevage souvent imparfaites ([i]Chromaphyosemion splendopleure[/i] Tiko, qui a dépassé ses 70 ans d’aquarium, en constitue un bel exemple).
Et, s’il le juge utile, JF34 ajoutera peut-être quelques autres aspects m’ayant échappé…
Cordialement