Piaf
Le 09 octobre 2010 à 01h25 slurp
a écrit le
06 octobre 2010 à 10h55 Bonjour,
j'ai un conductimètre qui traine chez moi. Je me disais qu'il devait exister une relation entre la conductivité de l'eau et sa dureté. Est-ce que vous savez à peu près quelle est cette relation ? Ou encore s'il y a de bonnes valeurs de conductivité pour les killis.
J'ai fait quelques recherches mais peu probantes.
Il existe bien évidemment une relation forte entre la dureté d'une eau et sa conductivité ([i]Cf.[/i] les liens que tu as déjà consultés) mais il faut rester prudent dans l'utilisation d'un facteur de conversion dans le but d'obtenir une estimation de dureté, en valeur absolue, à partir d'une mesure de conductivité, surtout s'il s'agit d'eaux relativement douces, donc de faible minéralisation et donc de faible conductivité. Bien d'autres ions fréquents dans nos eaux, autres que le calcium et le magnésium responsables de la dureté, viennent en effet augmenter la conductivité d'une eau, en particulier lorsqu'il s'agit d'eaux de source prélevées dans la nature. Les protons des acides humiques provenant du lessivage des sols forestiers et/ou ceux des acides phénoliques provenant de l'hydrolyse des tanins libérés par les végétaux tombés dans l'eau (feuilles d'arbres en particulier), pour ne citer qu'eux, vont par exemple également faire augmenter très significativement la conductivité d'une eau, outre qu’ils augmentent aussi son acidité. C'est ainsi qu'une eau naturelle très très douce (TH se rapprochant de 0), mais acide, du fait à la fois des protons liés aux acides organiques qu'elle contient et de son très faible pouvoir tampon (dans le cas présent, faible capacité à neutraliser ces protons) lié à sa très faible minéralisation, peut parfois avoir néanmoins une conductivité loin d'être si faible que ça, en tout cas qui n'est plus véritablement proportionnelle à sa dureté réelle... !
Et de plus, parmi ces ions d'origine organique, il en est plusieurs dont la concentration ne cesse de changer dans nos bacs (principalement d'augmenter entre deux renouvellement d'eau) et qui ont donc un effet très marqué sur l’augmentation de la conductivité de l'eau : il s'agit en particulier de l'ion nitrate dont la concentration a vite fait d'aller jusqu'à doubler lorsqu'on traîne trop entre deux renouvellement partiels d'eau ; ce qui a un effet extrêmement marqué sur la conductivité de l'eau en question.
Un exemple, correspondant à l'eau que j'utilise pour les killies : lorsque la concentration en nitrates double dans l'un de mes bacs – c'est à dire partant de 40 mg/l de nitrates, valeur de stabilisation que j'observe habituellement dans mes bacs juste après avoir effectué un renouvellement partiel d'eau, passe à 80 mg/l, valeur indiquant que j'ai nettement dépassé la limite de 60 mg/l de nitrates que je me fixe habituellement pour déclencher mes renouvellements d'eau (et oui, je dépasse parfois mes propres limites ! ) – la conductivité aura quand à elle alors augmenté de 2/3 (c'est-à-dire dans mon cas, sera passée de 150 à 250 microSiémens/cm).
Et pourtant il s'agit bien toujours de la même eau de départ dont la dureté carbonatée n'a pas changé !
Mais attention la valeur du ratio que je cite ci-dessus (conductivité augmentée de 67 % pour une concentration en nitrates doublée) n'est en fait valable que pour l'eau que j'utilise. Ce ratio dépend en effet d'une part de la dureté de l'eau neuve utilisée pour les renouvellements partiels d'eau (dans mon cas TH de l'ordre de 0,7 degré français) d'autre part de sa concentration initiale en nitrates (dans mon cas de l'ordre de 7 mg/l, le tout conduisant à une conductivité initiale de l'eau de renouvellement de 75 microSiémens/cm).
Si l’utilisation d’un conductimètre peut s’avérer très pratique pour un aquariophile, il faut cependant plutôt voir celui-ci comme un appareil de mesure relative (indiquant les différences entre deux eaux, leurs changements au cours du temps… ) que comme un appareil de mesure absolue, la valeur absolue de conductivité mesurée étant assez rarement directement utilisable, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas interprétable ; elle s’avère souvent au contraire très informative. Bref, il faut savoir s’en servir intelligemment, en particulier dans le cas des eaux à faible minéralisation, fréquentes dans les bacs des killiphiles (et si l’on parlait de pHmètre, on pourrait faire le même genre de commentaire, mais en pire, le pH d’une eau d’aquarium étant lui carrément instable dans certaines conditions, parmi lesquelles certaines sont là encore plutôt fréquentes chez les killiphiles).
Quant aux valeurs de conductivité recommandables pour l’eau des killies, la plage peut être très large car tout dépend des espèces, ou plutôt des conditions éco-hydrologiques dans lesquelles ces dernières ont évolué. Certaines sont très tolérantes à l’égard des valeurs relativement fortes, il s’agit en particulier de celles habituées à supporter une forte concentration des eaux qu’elles habitent, du fait de la forte évaporation de ces points d’eau en saison sèche. C’est typiquement le cas de pas mal d’annuels (certains A.S.A., beaucoup de [i]Notho[/i]… ) mais aussi d’autres poissons fréquentant les zones de marais non boisés ou les réseaux hydrographiques non boisés (par exemple plusieurs espèces du groupe des « Rollofia », certains [i]Epiplatys[/i], et d’autres… ). Inversement, les espèces forestières habitant des eaux pluviales filtrées par les sols forestiers et concentrant les acides organiques (humiques, phénoliques... ) ont évidemment besoin d’eaux extrêmement douces et acides, surtout pour le développement de leurs œufs et la croissance de leurs alevins. C’est par exemple le cas des [i]Aphyosemion[/i] gabonais, des [i]Diapteron[/i] etc. Mais, même au sein de ces groupes, le niveau d’exigence et de fragilité des espèces (des œufs et des alevins principalement) semble quand même assez variable d’une espèce à l’autre. Il en va de même quand à leur capacité à résister à d’assez fortes concentrations en nitrates et phosphates, elle aussi semblerait-elle sensiblement variable entre espèces, même au sein des espèces forestières réputées les plus fragiles et exigeantes (et je me demande d’ailleurs si l’on ne sous-estime pas en général la tolérance de beaucoup de killies (au moins adultes) à l’égard des nitrates et phosphates).
Pour donner quand même des chiffres, disons que pratiquement toutes les espèces de killies forestiers (donc les plus exigents) s’en sortent assez bien au moins dans une fourchette allant de 10 à 300 microSiémens/cm, les valeurs les plus basses (10 à 150 microSiémens/cm) étant à réserver aux jeunes alevins des espèces les plus fragiles et les valeurs les plus fortes pouvant être assez largement dépassées pour les adultes de pas mal d’espèces, mais peut-être quand même avec le risque de perturber alors leur frai (viabilité des spermatozoïdes, ovocytes et œufs fécondés)…
Dernier point, un apport brutal et important d'eau très douce (et plutôt fraiche) dans une eau initialement un peu moins douce (et plus chaude) déclenche très souvent le frai ; mais ça, tout le monde le sait...
C'est cependant pourquoi, pour élever mes killies, je n'utilise pas directement les eaux les plus douces dont je dispose pourtant en abondance (10 à 12 microSiémens au robinet de l'une de mes belles-sœurs ! ) : c'est pour conserver une marge de manœuvre avec mes couples et pouvoir leur faire parfois, mais uniquement si nécessaire, le coup du sceau d'eau hyper-douce qui remplace la pilule bleue !
Voili voilou…