Piaf
a écrit le
17 août 2007 à 20h58 La difficulté de repro des [i]R. xiphidius[/i] est très variable selon les populations, depuis le « franchement très facile » au « plutôt difficile ». Je tiens cette info de Mary-José Le Naour qui maintient depuis plusieurs années 3 ou 4 pop de [i]xiphidius [/i]différentes. D’où la pertinence de la question de Notho au sujet de ta pop…
J’ai personnellement des [i]R. xiphidius [/i]de la population Crique Boulanger depuis octobre 2005 (population choisie à la fois pour sa facilité de repro et sa beauté, sur les conseils de Mary-José Le Naour). C’est ma première expérience avec l’espèce et celle-ci est donc encore courte (seulement 5 repro d’effectifs très divers). Je me risque cependant à affirmer que, au moins dans les conditions où je les maintiens, ces « Crique Boulanger » constituent l’une des pop les plus faciles à reproduire de tous les killies que j’ai maintenus (soit 34 pop différentes au total, dont 6 sp. de [i]Rivulus[/i]). Rien à voir par exemple avec la difficulté de reproduction des [i]R. agilae[/i].
Je « fais » ces [i]xiphidius [/i]en « reproduction naturelle par transplantation de la mousse », après avoir constaté :
- d’une part, que plusieurs espèces de [i]Rivulus [/i](mais c’est vrai aussi pour certains Chromaphyo) préfèrent de très loin pondre sur et dans la mousse de Bogor (ou à défaut de Java) plutôt que dans un mop (sachant cependant que je n’ai que très peu essayé la tourbe fibreuse semi-flottante comme support de ponte, et ce uniquement pour [i]R. agilae[/i], car je trouve la mousse de Bogor bien plus pratique) ;
- d’autre part que les œufs sont généralement beaucoup moins mangés par leurs géniteurs que ne le sont les très jeunes alevins, et que ceci paraît rester vrai même chez des espèces pour lesquelles on obtient pourtant certains succès avec la méthode naturelle classique (la plus simple, celle où on ne touche vraiment rien et où quelques alevins (parfois pas mal) apparaissent tout seuls dans le bac des parents).
La formule en question (transplantation de la mousse), dans le cas présent destinée aux pondeurs en surface, est en fait simplement inspirée des techniques employées pour les annuels (pondeurs de fond), pour lesquels on opère une translocation directement du support de ponte (tourbe le plus souvent) vers un futur bac d’éclosion, sans collecte individuelle des œufs, mais, dans le cas présent, sans la conservation à sec intermédiaire indispensable aux annuels. Principaux avantages : - 1) on n’a pas les longues et fastidieuses collectes d’œufs, examens et manipulations des flacons ou sacs d’incubation ; - 2) la production est généralement nettement plus importante qu’en collectant les œufs individuellement (et évidemment aussi considérablement plus importante qu’avec la repro naturelle classique) ; - 3) c’est plus simple et pratique à réaliser (et surtout ça demande nettement moins de place) que l’autre formule équivalente, et classique pour beaucoup d’espèces y compris en dehors des killies, consistant à disposer de deux bacs de repro pour un seul et même couple de géniteurs, couple que l’on fait régulièrement « tourner » entre ces deux bacs toutes les 3 à 4 semaines (pour des Rivulus), les alevins étant récupérés (ou élevés) dans le bac vide de géniteurs.
À toutes fins utiles, je me permets de donner ci-dessous la recette sur laquelle je me suis actuellement arrêté pour certaines espèces, notamment les [i]R. agilae [/i]et les [i]R. xiphidius [/i]:
Maintenance permanente dans les bacs de repro = bacs de 7 litres contenant, soit un seul couple, soit 3-4 mâles avec jusqu’à plus d’une douzaine de femelles (pour les [i]xiphidius[/i], ça marche apparemment aussi bien dans les deux cas (!) ; en revanche, je n’ai jamais eu de repro de [i]R. agilae [/i]dans les bacs où ils vivent en groupe) ; bacs littéralement bourrés de mousse de Bogor + quelques petits [i]Microsorium [/i]pour mieux « structurer » la touffe de mousse, au point que les poissons n’ont presque plus d’espace pour nager, si ce n’est entre les racines de [i]Microsorium [/i]en dessous de la touffe de mousse, celle-ci flottant en occupant plus des 4/5 du volume et quasiment toute la surface. Je maintiens juste 2 ou 3 petites zones d’eau libre de quelques cm² chacune pour pouvoir nourrir. Certains [i]Rivulus [/i](particulièrement les [i]R. agilae[/i]) adorent d’ailleurs vivre sur le dessus d’un tel matelas de mousse, sur lequel ils se tiennent quasiment hors de l’eau et rampent presque plus qu’ils ne nagent ! Bacs assez bien éclairés de façon à ce que la mousse y pousse en permanence vite et bien (simplement grâce à l’éclairage général de la pièce, chez moi le HQI d’un grand bac qui éclaire généreusement toute la pièce), voire (cas de mon second bac de repro en groupe situé dans une autre pièce) grâce à une fenêtre côté sud (toutefois sans jamais de soleil direct sur le bac) si l’on ne craint pas les parois en permanence opacifiées par les algues vertes, ce qui est mon cas. Sol = billes d’argiles très peu serrées et en grande partie recouvertes de feuilles de hêtre (principal avantage : ça pourrit nettement moins vite que celles de chêne, question libération d’acides tanniques, ça marche tout aussi bien sinon encore mieux que le chêne et c’est en outre bien plus beau) + quelques chatons fructifères séchés d’aulne (maximum 3 à 5 pour 6-7 litres car ça libère un max d’acides tanniques). Bacs non filtrés (comme pour tous mes bacs de [i]Rivulus [/i]: c’est l’abondance de mousse et de [i]Microsorium [/i]qui épure, et puis ces très petits [i]Rivulus [/i]ne font que très peu de déchets). Eau assez douce (KH<1), ne dépassant pas 140 µS avant renouvellement et ramenée à 125 µS après renouvellement avec une eau de remplacement à moins de 100 µS, ce à raison de renouvellements d’un bon tiers toutes les 6 semaines environ (voire, dans mes périodes de faible disponibilité, de plus de 50-75 % après plus de 10 semaines !). Nourriture principale : vers de vase congelés (il est hélas exceptionnel que j’arrive à me procurer du fouillis vivant) + collemboles régulièrement. Nourriture secondaire = drosophiles vivantes (environ une fois par semaine, rarement deux par manque de temps, parfois pas du tout !) + quelques vers de Grindal à l’occasion.
Repro que je baptise « naturelle par transplantation de la mousse » ou « naturelle différée » : La recette est des plus simple : lors d’un renouvellement d’eau on récupère l’eau de changement ainsi que tout le mulm, et débris de feuilles que l’on vient de siphonner (on y trie au passage les quelques alevins qui ne manquent souvent pas d’y être déjà présents), on prélève au moins les deux tiers de la touffe de mousse, en prélevant à la fois dans la couche supérieure (qui contient le plus d’œufs) et dans la couche inférieure de la mousse (si l’on en dispose d’autre en remplacement, on peut même alors avantageusement prélever toute la mousse, ce qui est presque toujours mon cas). On place tout ça (eau mousse et déchets compris) dans une grande boite en plastique translucide possédant un couvercle non totalement étanche. Les plus grandes boites à chaussure en plastique (pas chères au rayon plastiques des supermarchés) conviennent parfaitement. On y ajoute 2 ou 3 brins ou micro touffes de Microsorium (voire 1 chaton fructifère séchés d’aulne, mais uniquement si on redoute un trop fort développement d’algues ultérieur car en fait on risque alors de nuire tout autant au bon développement planctonique indispensable aux alevins). On rajoute si nécessaire un peu d’eau très douce pour que toute la mousse étalée dans la boite soit largement recouverte d’eau (pour les pauvres killiphiles qui n’habitent pas une région granitique ou volcanique, je conseille, parmi les eaux de source du commerce les moins chères, la « Volcania » commercialisée par Leader Price, c’est l’une des plus douces du commerce (si ce n’est même la plus douce) tout en restant plus minéralisée que l’eau osmosée (et donc plus favorable au phytoplancton)). On ferme le couvercle de la boite et on l’étiquette soigneusement.
On place ensuite la boite dans un coin de la maison, pas trop chaud mais bien éclairé pour que la mousse continue à se développer très lentement grâce à la lumière traversant les parois de la boite, et on oublie tout ça 3 à 6 semaines sans avoir besoin d’y toucher.
(personnellement j’empile ainsi jusqu’à 5 boites à chaussures, remplies au quart environ, les unes sur les autres dans un angle de ma pièce à bacs bien éclairée (officiellement c’est mon bureau ! ) car j’utilise la même formule pour d’autres espèces, notamment pour les Rivulus, et je trouve en particulier que c’est la solution qui marche aussi le mieux (ou plutôt le moins mal) pour mes [i]R. agilae[/i] « Forêt des Malgaches » que je maintiens de cette façon depuis septembre 2002).
Les œufs contenus dans la mousse de Bogor vont éclore tranquillement (il arrive parfois que l’on en aperçoive quelques uns lors du prélèvement de la mousse, en particulier à la surface de la touffe, mais ce sont alors surtout les œufs non fécondés (= blancs) que l’on voit le mieux ! ). Certains œufs éclosent très vite après le retrait de la mousse (parfois en nombre et seulement après quelques heures, j’ai en particulier observé cela avec [i]R. cryptocallus[/i], sans doute alors du fait de l’apport soudain d’eau plus fraîche), la plupart des autres œufs n’éclosent que quelques semaines après (2 à 6) et même jusqu’à plus de 11 semaines après (maximum que j’ai jusque là enregistré chez [i]R. xiphidius[/i], les alevins étant alors d’apparence viable mais, n’ayant pas été isolés de leurs frères un peu plus vieux je n’ai pas réellement bien pu m’en assurer). Peu importe du temps d’incubation en fait : les nombreux unicellulaires ciliés, puis autres micro-organismes planctoniques qui se développent dans la mousse et la litière de déchets suffisent tout à fait à nourrir les différents alevins au fur et à mesure de leurs éclosions respectives, et ce durant ensuite une assez longue période. Il n’est donc pas nécessaire de vérifier ni rapidement ni souvent la présence d’alevins dans ces bacs d’éclosion. Il arrive ainsi par exemple que l’on trouve un beau jour dans la boite des alevins dépassant parfois déjà les 6-7 mm (pour ce qui est des [i]xiphidius[/i]) et ignorant pourtant encore totalement à quoi peut bien ressembler un nauplius [i]d’Artemia [/i]ou un micro-ver (et, en opérant dans les mêmes conditions, des alevins dépassant même les 15 mm chez des Aphio ou Chromaphyo ainsi nés dans une très grande boite largement pourvue de mousse).
Toutefois il n’est sûrement pas bon de faire trop longtemps durer ces mélanges de grands et petits alevins, les derniers souffrant tout de même apparemment pas mal de la concurrence alimentaire avec les plus grands. À partir de la troisième semaine, il vaut donc mieux explorer la boite au moins une fois par semaine (lorsqu’on a le temps) et y pêcher les alevins.
Avec les « Crique Boulanger » il n’est pas nécessaire de répéter l’ensemble de la manip trop souvent, sinon on ne saurait rapidement plus quoi faire des alevins de [i]xiphidius [/i](au moins des femelles)) ! En revanche, pour les [i]R. agilae [/i]« Forêt des Malgaches », je répète toutes ces opérations assez régulièrement pour avoir de temps à autres quelques alevins.
Mon seul (parfois gros) problème avec les trois espèces de [i]Rivulus [/i]que je continue de maintenir actuellement : le sex-ratio extrêmement déséquilibré des alevins survivants. Ce problème est chez moi actuellement très alarmant avec [i]R. magdalenae [/i]population « Anarica ». Juste quelques chiffres, pour l’exemple, et uniquement en consultant les notes de mes dernières repro (l’archivage de mes notes plus anciennes restant dans un état de total bordel !) :
- Pour [i]R. xiphidius [/i]« Crique Boulanger » : Sur les 37 derniers juvéniles survivants et sexables : 8 mâles et 29 femelles (et sur 18 autres juvéniles survivants produits plus récemment et qui commencent à devenir sexables je n’aperçoit pour l’instant aucun mâle).
- Pour [i]R. agilae [/i]« Forêt des Malgaches » :
- entre l’automne 2005 et la fin du printemps 2006, sur l’ensemble des rares œufs collectés dans les mops (j’ajoute un mop flottant dans un angle du bac dans le cas des [i]R. agilae[/i]) ainsi que des quelques alevins pêchés dans les boites d’éclosion (transplantation de la mousse) voire parfois directement dans les bacs de repro,: seulement 9 poissons produits : 8 mâles et 1 femelle ;
- depuis l’automne 2006 (pour 4 couples dans 4 bacs de repro différents, c’est à dire 1couple né en février 2006, 1 couple né l’automne 2005 et 2 couples nés en 2004) :
[list]
[li]- sur 10 œufs collectés dans les mops : 3 alevins éclos (toujours quelques problèmes pour bien faire éclore les œufs d’[i]agilae [/i]en incub artificielle sous eau. Dois-je essayer l’incub avec un court passage en à-sec ? Si quelqu’un a un tuyau… ), puis 2 survivants = 2 femelles ;
- sur 14 alevins pêchés dans les boites d’éclosion : 14 survivants = 14 femelles.
[/li]
[li][/li]
[/list]Conclusion : va encore falloir que je redouble rapidement d’efforts pour cette espèce avant que mes deux plus jeunes mâles restants du printemps 2006 ne deviennent trop vieux (d’autant que je suis apparemment le seul a posséder cette population en France (si je me trompe, dépêchez vous de m’annoncer cette bonne nouvelle ! ).
- Pour [i]R. magdalenae [/i]« Anarica » (Remarque : pop que je maintiens depuis octobre 2003 et pour laquelle j’ai le plus souvent de très gros problèmes pour faire éclore une bonne proportion des oeufs incubés sous eau (après essais de toutes les tortures classiques !) j’en suis même arrivé à parfois essayer l’éclosion artificielle avec des micro-pinces sous forte loupe binoculaire ! Mon prochain essai (à condition que j’arrive à avoir d’autres œufs cet automne) sera le passage des œufs en à sec durant 2 ou 3 semaines, je n’ai encore jamais essayé cette technique pour cette espèce. Quelqu’un à t-il des infos à ce sujet ? ) :
- sur les 29 poissons produits entre l’automne 2003 et la fin du printemps 2004 : 23 mâles et 6 femelles ;
- sur tous les poissons produits depuis l’automne 2004, soit de l’ordre d’une bonne vingtaine (faudrait que je recherche le nombre exact dans mes autres notes ! ) : une seule femelle (née en 2006) le reste n’étant que des mâles ! ! !
Ce fort problème de sex-ratio très déséquilibré peut-il être en rapport avec mon mode de repro « naturelle par transplantation de la mousse », par exemple du fait d’une trop forte concurrence alimentaire entre les très jeunes alevins de chacun des deux sexes ?? Pour avoir pratiqué les deux modes de repro avec les mêmes espèces (incub artificielle classique sous eau et transplantation de la mousse), a priori je ne le pense pas, mais la faiblesse de mes tailles d’échantillons respectives ne permet pas une véritable étude statistique ! (Cf. aussi l’exemple des [i]agilae [/i]où le déséquilibre n’a pas toujours concerné le même sexe au cours du temps, ou encore celui des [i]R. magdalenae [/i]pour lesquels j’ai davantage pratiqué la repro artificielle que celle par transplantation et qui pourtant présentent le problème de sex-ratio le plus inquiétant). Mais l’avenir changera peut-être cette impression…
Pour finir, j’ajoute que j’ai aussi essayé cette repro « naturelle par transplantation de la mousse », ou « reproduction naturelle différée », à peu près sous la même forme et avec un assez grand succès chez [i]R. cryptocallus, Chrom. splendopleure, Chrom.volcanum, [/i]ainsi qu’avec un succès plus modéré mais bien réel, chez [i]R. magdalenae, Chrom. bitaeniatum[/i] et même [i]A. marginatum[/i].
Dans le futur, je compte bien l’essayer à l’occasion sur quelques autres espèces qui pondent volontiers sur la mousse mais qui donnent des résultats parfois un peu aléatoires en repro naturelle classique.
Je compte aussi tester plus largement une variante, consistant en un fort pressage de la mousse retirée du bac de repro, puis sa conservation à sec 2-3 semaines dans un sac avant de la remettre en eau (comme pour de la tourbe) : cette variante a par exemple très bien marché lors d’un très petit essai que j’ai effectué avec [i]Fp. gresensi [/i](avec un à sec de 6 semaines pour cet habituel pondeur de fond) : la mousse de Bogor jaunit et meurt en apparence (ou seulement presque ?), mais ne paraît pourrir que très lentement lorsqu’on la remet dans l’eau, en y ajoutant un peu de mulm du bac initial. Le plancton et les alevins issus des œufs que contenait cette mousse ont l’air de parfaitement bien se développer et de grossir vite dans cette soupe de mousse très lentement pourrissante (mais je n’ai pas prolongé cette observation très longtemps)…
Des fois que ce genre de variante puisse avoir un effet sur le sex-ratio des alevins de [i]Rivulus [/i]survivants… (??).
Zut, toutes mes excuses pour la longueur inconsidérée de ce post. À sa relecture je constate que j’en ai fait un roman fleuve (qui déborde dans des lagunes pleines de [i]Rivulus[/i] !).